Éditorial

En 2017, j’ai eu le privilège de faire partie d’un groupe de huit réviseurs autochtones invités à prendre part au Indigenous Editors’ Circle (cercle des réviseurs autochtones) au Collège Humber, à Toronto. Nous avons passé cinq jours en compagnie de quatre auteurs et érudits de renom provenant d’un bout à l’autre du Canada. Plus de 30 représentants de maisons d’édition se sont aussi joints à nous, s’engageant à changer leur façon de travailler avec les auteurs autochtones et leurs manuscrits.

J’ai vu quelques-uns de ces engagements se réaliser dans le cadre de mon propre travail. J’ai révisé des manuscrits rédigés par des auteurs autochtones et j’ai moi-même réalisé un photoreportage pour un projet de Scholastic Books intitulé Take Action for Reconciliation (Agir pour la Réconciliation). Lorsque les membres de l’industrie de l’édition se tournent vers des auteurs et des réviseurs autochtones, ils favorisent la publication d’œuvres qui représentent fidèlement les points de vue des Autochtones.

Lorsque l’appel de propositions en vue du congrès 2018 de Réviseurs Canada a été lancé, j’étais enthousiaste de constater que les organisateurs avaient prévu un volet autochtone. Selon moi, ce choix s’est avéré un succès. Les présentations comprises dans le volet ont attiré une forte participation et ont donné lieu à des conversations importantes qui dénotaient le besoin de s’informer davantage sur l’augmentation de la représentation des Autochtones dans le domaine de l’édition.

Comme nombre de présentations du congrès, ce sujet s’oriente vers l’avenir, tout en se fondant sur le passé. Il nous force à remettre en question le portrait éventuel du milieu de l’édition canadienne si nous changeons la manière dont nous traitons les récits et les auteurs autochtones. Il nous porte également à nous demander qui est responsable de faire changer les choses en ce qui a trait au fonctionnement du milieu de l’édition. Pour ma part, je crois que cette responsabilité nous incombe à tous.

Les maisons d’édition doivent se pencher sérieusement sur les récits autochtones qui ne sont pas rédigés par des auteurs autochtones. Elles doivent également faire un effort pour comprendre le narratif autochtone, qui diffère parfois des modèles occidentaux, et réaliser qu’il n’est pas obligé de s’y conformer. Les réviseurs ont la responsabilité de braver les maisons d’édition et de s’acharner pour faire en sorte que les problèmes que présentent les manuscrits soient réglés et assurer une représentation exacte des peuples autochtones dans les écrits. Il leur incombe également de comprendre les différences entre la narration autochtone et non autochtone, et d’ajuster leurs méthodes de révision en conséquence. De leur côté, les auteurs autochtones doivent continuer d’exiger leur place légitime dans l’industrie de l’édition canadienne.

Ce numéro ne contient pas d’articles sur les pratiques de révision. Ceux que nous vous proposons visent plutôt à provoquer un exercice de réflexion sur des manières d’intégrer de nouvelles méthodes de travail pour traiter les écrits autochtones au sein de votre propre pratique. Ces articles s’adressent aux différents participants de l’industrie, mais ils aideront chacun à mieux comprendre les difficultés inhérentes aux récits et aux auteurs autochtones.

Wayne Arthurson veut savoir pourquoi la publication de récits de crimes autochtones accuse un tel retard par rapport à son homologue multiculturelle. Mika Lafond livre son point de vue de coréviseur et d’auteur à la recherche de moyens pour laisser une plus grande place à l’expression autochtone. Karon Shmon nous explique comment agir en vue d’une réconciliation dans l’industrie. Alix Shields nous présente une vision universitaire des réalités historiques de la publication de récits autochtones et des pistes d’avenir possibles. Et finalement, Suzanne Norman nous montre comment les établissements d’enseignement peuvent créer des programmes pour améliorer la représentation autochtone, en particulier dans les maisons d’édition.

Au final, la révision concerne les personnes – auteurs, réviseurs et lecteurs – et les liens qui se tissent entre eux. Au cours des deux années depuis la publication du rapport préliminaire de la Commission de vérité et de réconciliation, des relations se sont formées entre les différents groupes. Dans l’esprit de Wâhkôhtowin (qui signifie approximativement « parenté au-delà des liens familiaux ») essayons de trouver des moyens de permettre aux liens de s’enrichir jusqu’à devenir des amitiés, permettant à chaque personne d’être traitée avec respect et dignité.

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Merci à tous les collaborateurs qui ont participé à ce numéro : notre rédactrice invitée, Rhonda Kronyk; nos contributeurs merveilleux; les traductrices, Christine Ouellet-Dumont, Sophie Pallotta et Lina Scarpellini; les réviseures, Rhonda Kronyk, Sophie Pallotta et Alethea Spiridon; les correctrices d’épreuve, Vicky Gregory, Jennifer Rae-Brown, Alethea Spiridon et Kiki Yee; la directrice de production, Alethea Spiridon; notre expert WordPress, Aaron Dalton; le conseil d’administration national de Réviseurs Canada; et Michelle Ou, gestionnaire principale des communications.—Anne Louise Mahoney

Rhonda Kronyk (photo by Dallas Kronyk)

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