S’y retrouver dans la culture de l’épuisement dans l’industrie de l’édition
June 10, 2019 | Meagan Dyer
J’étais à l’université la première fois que j’ai parlé de mon intérêt de devenir réviseure de livres pour l’industrie de l’édition. À l’époque, mes merveilleux mentors étaient tous des gens occupés et passionnés. Ils avaient plusieurs emplois, s’occupaient d’une tonne d’activités complémentaires, étaient bénévoles, faisaient partie de comités et assistaient à chaque lancement de livre et soirée littéraire. Ils m’ont encouragée à faire de même, suggérant que cette attitude pas de répit pour les ambitieux était le secret pour décrocher un emploi dans l’industrie.
Ils avaient raison. Après l’obtention de mon diplôme, la réalisation de deux stages comme bénévole et l’acceptation de plus de projets « non rémunérés, mais qui donnent de la visibilité » que je ne pouvais en compter, on m’a engagée pour mon premier poste en entreprise.
J’ai tout de suite remarqué que mes nouveaux collègues dans l’industrie (qu’ils soient réviseurs, éditeurs, directeurs, concepteurs ou représentants) travaillaient avec le même zèle, même s’ils occupaient le même poste depuis de nombreuses années voire des décennies. Je me suis rendu compte que c’était la norme. Tout ça semblait excitant et je me suis fait une idée romancée de l’épuisement en échange d’une carrière enrichissante.
Cinq ans plus tard, je me suis rendu compte d’autre chose : j’étais épuisée. J’avais fait partie des comités et j’avais assisté aux soirées, je m’étais occupée d’activités complémentaires et j’avais accepté chaque collaboration qui m’avait été proposée dans ma boîte de réception. Ce n’est pas donné à tout le monde de survivre avec la gloire littéraire et la caféine, semble-t-il. Comment est-ce que je pouvais admettre cela par contre dans une industrie où la culture de l’épuisement est non seulement acceptée mais largement approuvée?
Autrement dit, comme la plupart des réviseurs et des professionnels de l’édition, je suis reconnaissante d’avoir trouvé une carrière où la plupart du temps je n’ai pas l’impression de « travailler » quand je suis au travail. Ce que les gens semblent toutefois oublier, c’est que c’est quand même du travail et qu’il est nécessaire pour nous aussi de trouver un semblant d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Des solutions utiles sont largement absentes des conversations récentes au sujet de la tendance au travail compulsif. Peut-être que la tâche de reconnaître et de gérer nos limites personnelles incombe à chacun de nous.
En ce qui me concerne, j’évalue les projets à la pige, le travail bénévole et les rôles au sein de comités qui ont une réelle valeur personnelle ou professionnelle, tout en apprenant à dire non aux autres (et tout en me rappelant qu’il est peu probable que manquer cette soirée littéraire vins et fromages fasse dérailler ma carrière).
J’apprends aussi à établir des limites saines au travail et à demander à mon employeur ce dont j’ai besoin comme de mettre à l’horaire quelques heures de temps pour moi chaque jour, de supprimer mon compte de messagerie professionnel de mon téléphone et de réellement prendre mes pauses repas et mes vacances. Ces changements et ces demandes ont obtenu le soutien total de mes supérieurs.
Finalement, j’essaie d’être un meilleur mentor et une meilleure collègue pour les gens autour de moi. Je ne partage pas seulement mes idées pour réussir dans l’industrie, je partage aussi sur comment reconnaître les signes d’épuisement et sur comment prendre soin de soi-même tout en restant compétitif.
Depuis que j’ai ouvertement parlé de mon épuisement, j’ai discuté avec plusieurs réviseurs, auteurs et professionnels de l’édition qui ont ressenti le même stress. Même s’il n’y a peut-être pas de solution unique pour changer cette culture, je continue d’entendre un désir clair : le repos physique et le bien-être mental ne sont plus vus comme de la complaisance professionnelle. En tant que réviseurs, notre travail consiste à faire entendre notre voix autant dans nos vies que sur la page.
Traduction : Marie-Christine Payette